Yves Elleouet

Yves Elléouët - Biographie

Yves Elléouët, né le 8 janvier 1932 à Fontenay-sous-Bois et mort le 27 avril 1975 à Saché (Indre-et-Loire), était un peintre, poète et écrivain français. Il est l'auteur du Livre des Rois de Bretagne, de Falch'un (préface de Michel Leiris) aux éditions Gallimard et de plusieurs recueils de poèmes.
…Lui qui savait dire les couleurs et leurs nuances et le mouvement des choses, d'un coup de pinceau ou d'un coup de plume, peintre et poète… Xavier Grall Extraits "à la recherche d’un roi de Bretagne Yves Elléouët" , (Rough_Typewriter, 16 pts), (Rough_Typewriter, 16 pts), (Rough_Typewriter, 12 pts)

Le Prince du cimetière

Le Prince du cimetière
J’aurais pu connaître Yves Elléouët. De Plougrescant à Tréguier, nombreux furent, en effet, ceux avec qui il fraya. Il aimait errer, solitaire, dans les ruelles, à travers le marché du mercredi, s’arrêter pour boire et causer dans les cafés. N’est-ce pas, Thérèse d’Arvag c’hlas, mère Capitaine d’Aux Vieilles Poutres, Alex du "petit tabac de la rue qui tourne" ? Car comment oublier ce baratineur étrange, ce beau garçon cautique, ce prince prolétaire qui ne recherchait que la compagnie des gens du peuple ? Mais pour y retrouver son angoisse et sa solitude. Ce qu’il retrouvait encore, par exemple, dans ce cloître aux fascinants gisants. Citons dans Falc’hun, le passage : "Chevalier sous les ardoises du cloître. Longuement étendu dans l’après-midi de mouettes et de tourterelles. Le sexe enveloppé de bandelettes descendant en compagnie de l’épée contre l’intérieur de la cuisse, non loin du genou étoilé d’une fleur des champs". Tout un long chapitre du livre a pour objet un enterrement à Tréguier, sous la pluie : "le son des cloches lui-même est mouillé". Cette obsession funéraire, par quoi sans doute il est le plus profondément breton, Elléouët la porte depuis toujours. Depuis qu’il contemplait à l’église le crucifié ou le fossoyeur au cimetière. Deux autres anecdotes là-dessus. La première : un soir, dans une nécropole près de la mer, il voit nettement se lever les morts pour parler. La seconde vient d’un fait divers. Dans un village, un ouvrier agricole, qui vivait tout seul, qui ne parlait à personne s’est pendu. Passe le cercueil avec quelques voisins. Elléouët suit, et on lui serre la main comme à l’inconnu de la famille. Chaque fois qu’il revenait là, il s’inclinait sur la tombe abandonnée de cet homme dont il ignorait tout, qui pour lui représentait comme le désespoir absolu, et qu’il appelait le "prince du cimetière". Mais, attention, contre ce tragique qui le tue, il a ses défenses, aucune concession, une sensualité panique, l’orgueil de son humour, et puis l’amour, la poésie, la Bretagne. Ecrire devenait pour lui d’une furieuse, d’une totale nécessité. De telles visions l’aveuglaient, de telles voix le hantaient qu’il était obligé, au risque de se perdre, de les transcrire. Mais pour qui, en vue de quoi ? Ce qui, en définitive, va lui donner l’énergie suffisante, c’est que toutes ces visions et toutes ces voix, et son mal même, c’est que tout cela s’inscrira dans le destin d’une collectivité, la nôtre.
Jean Balcou

Pierre Jaouën dans "La Rivière échappée"

Le peintre dont je vais vous parler était un ami. Aussi, je vous parlerai de lui comme on parle d'un ami. Pour moi, il n'y a pas vraiment de séparation entre l'oeuvre et le personnage; donc parler de lui, c'est parler de son oeuvre et parler de son oeuvre, c'est parler de lui. Charles Estienne – un écrivain qui a, lui aussi, des attaches profondes avec la Bretagne – a écrit dans une de ses préfaces que "ce qu'on écrit sur le sable n'est pas ce qu'on écrit dans les livres" et plus loin il ajoute : "On écrit toujours, mais la mer monte". Sans doute, faisait-il allusion à ces actes poétiques gratuits qui ne laissent aucune trace. Aujourd'hui cette phrase d'Estienne me paraît particulièrement opportune parce qu'elle me fait penser à ces tranches de vie, ces pages de sable que le temps effacerait à jamais si les amis n'en rendaient pas compte, rétablissant ainsi une relation plus vraie, plus tendre aussi, entre la vie et l'oeuvre d'un artiste. Yves Elléouët, il me semble que je le vois "avec les yeux de la pensée", comme dit Hamlet. Je le vois à l'époque où il nous rendait visite dans le Finistère, partant pour ses promenades solitaires avec son petit carnet et son bout de crayon dans la poche. Je le vois, quand nous marchions ensemble dans les rues de Paris, parlant de tout sauf de la peinture. Je le vois dans son atelier de la rue Fontaine ou celui de la rue de Vaugirard. Je l'entends encore parler à son perroquet Vert-Vert en imitant l'accent du Nord Finistère. Je le vois surtout me lisant un de ses poèmes après avoir mis un disque de jazz. Il lisait sans emphase, s'appuyant sur la base rythmique et se coulant dans le phrasé de la trompette de Miles Davis ou du saxo de Coltrane. Aujourd'hui encore, je ne peux entendre des morceaux comme "Kind of Blue" ou "Round about Midnight" sans penser à Yves, tant sa vie, son travail étaient liés au jazz. Comme son nom l'indique, Yves Elléouët est breton, mais il faut tout de même ajouter qu'il était d'abord parisien et c'est important de le dire car c'est son retour en Bretagne (ou plutôt son retour à la Bretagne) qui a marqué le tournant essentiel de son oeuvre plastique et littéraire. Je crois que j'ai modestement participé à ces retrouvailles en organisant un séjour à Trémazan, dans le Finistère. Cette région, Yves la portait dans son coeur, car il avait passé les années de guerre à La Roche Maurice étant enfant. Curieusement, Yves n'a jamais habité la Bretagne. Aube et Yves vivaient, comme on l'a dit à Paris. Puis ils se sont installés en Touraine quand la vie est devenue plus douce. Il n'y a pas de paysage plus français que la Touraine et on s'étonne de voir une oeuvre si typiquement celte naître dans ce "jardin à la française". Cette apparente contradiction s'explique par le fait que la Bretagne est avant tout son territoire mental, son territoire de rêve – et pour le préserver il faut garder une distance avec le territoire réel, y retourner seulement de temps en temps, pour que le contact direct, violent, garde toute sa force révélatrice. Yves est surréaliste, et il l'est même officiellement puisqu'il fait partie du groupe; mais surréaliste, il l'est surtout par sa manière de capter le merveilleux dans les situations ordinaires, dans cette façon de rester toujours ouvert à l'inattendu. Surréaliste, il l'est mais à sa manière: explorant un domaine à part et se tenant, pour cette raison, en dehors du groupe dont il critique dont il critique les petites manies et les tics de langage. Il a toujours travaillé sans se préoccuper de ce qui se passait dans le groupe et le groupe ne semble pas s'être préoccupé de ce qui se passait dans sa tête. Etrangement, cet éloignement lui permet de maintenir une relation plus noble, plus franche avec Breton, mais il y a toujours entre eux cette distance qui est le signe d'un respect mutuel. Parmi les jeunes surréalistes, Yves est sans doute celui qui a le mieux compris Breton et aussi celui qui l'a le mieux aimé. Cela tient au fait qu'en tant que poète, il se sert journellement de cette clef que Breton a offerte si généreusement à la jeunesse et à la poésie. (Je crois qu'on peut l'appeler la "clef des champs").
Yves s'est remis à la peinture à une époque terrible pour les jeunes peintres – c'est le temps du doute et de l'éclatement. On en est au point où on se demande "ce qu'on peut encore faire en peinture". Cette question, un peintre ne devrait jamais se la poser et pourtant elle se pose. J'aimerais, ici, vous donner un avis très personnel sur cette situation, tenter d'expliquer comment on en est arrivé là; et pour ce faire je remonterai à l'année 1888, date à laquelle Sérusier peignit, sous la direction de Gauguin, le Paysage au bois d'amour, que les Nabis appelleront le Talisman. Exprimant son émerveillement devant ce tableau, Maurice Denis fait le commentaire suivant: "Ainsi nous fut présenté, pour la première fois, sous une forme paradoxale, inoubliable, le fertile concept de la surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées". Et plus loin il ajoute :" Ainsi, nous connûmes que toute oeuvre d'art était une transposition, l'équivalent passionné d'une sensation reçue". On constatera que c'est toujours la première phrase qui est citée et jamais la deuxième, et si le fertile concept de la surface plane, recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées, annonce effectivement une période de fertilité, elle est aussi le présage de la période de stérilité qui lui succède car on oubliera peu à peu que l'ordre dans lequel les couleurs sont assemblées dépend totalement de la sensation reçue. Repensant à ces problèmes qu'ont rencontrés les jeunes peintres, à ces barrages auxquels ils se sont heurtés, je me suis dit que, ce qui était en cause, c'est cette perte de contact direct avec la nature car, de là, naît la complexité à laquelle ils furent en proie. C'est un peu comme l'histoire de Babel ; au début il y a ce mariage fulgurant entre nature et peinture qui pendant plus d'un demi siècle va donner l'influx aux mouvements les plus divers, les plus révolutionnaires, et, tout à coup, c'est le désert. La situation est paradoxale parce que le désert semble très animé. On a l'impression d'avoir devant soi une infinité de solutions, mais aucune solution nouvelle ne se présente à l'esprit, parce que l'esprit est en quête d'une voie que la peinture elle-même serait sensée apporter. Autrement dit, la peinture est devenue le sujet de la peinture, et dans une telle situation, le tableau a peu de chance d'être, comme le dit Maurice Denis, "l'équivalent passionné d'une sensation reçue". En fait, la seule solution rationnelle serait de tourner le dos à ce jeu fermé. Pourquoi, nous les peintres, n'avons-nous pas opté pour ce choix radical ? La réponse ne tient évidemment pas dans le seul fait de peindre d'après nature, il s'agirait plutôt d'un nouveau rapport au monde qui impliquerait forcément la modernité d'un état qui ne concernerait pas seulement les artistes. Au cours des années 50 et 60, la plupart des peintres essayent de se créer un style toujours reconnaissable ; pour certains d'entre eux, cela consiste à refaire toujours le même tableau. Yves est trop sincère pour employer son énergie à se créer un style de surface ; cette unité, il l'a déjà réalisée dans son oeuvre écrite et il sait qu'elle ne se fabrique pas. Ceci explique pourquoi son oeuvre reste marquée par les courants picturaux d'après guerre. Après tout, il ne s'agit que de moyens et avec ces moyens, il fait toujours preuve d'originalité. Ce qui sauve Yves, c'est son irrespect pour l'Art avec un grand A. On connaît la fameuse phrase : " Nous n'aimons ni l'art ni les artistes", qui résume l'attitude des surréalistes en face du monde très sérieux de l'art. Ce qui ne les a pas empêchés de peindre, d'écrire, bien au contraire, car elle est rafraîchissante au sens où elle ouvre l'espace à la folle sagesse de la poésie. C'est dans cet espace libre que le poète Elléouët se jette sur la toile, le pinceau à la main, faisant ce qui vient, "écoutant la forme", sans trop l'analyser et sans se soucier des influences. C'est dans ce même esprit qu'il faudrait regarder sa peinture, un peu comme on se laisse emporter par les improvisations de ces jazzmen qui ont été les compagnons de route de l'écrivain. Cette jeunesse qu'il a su communiquer à sa peinture la rend très attachante. Pour moi, c'est une qualité qui garde à tout moment sa valeur. C'est toujours un plaisir de parler d'un ami talentueux, de se rappeler les bons moments passés à son côté, un plaisir de le voir aujourd'hui fêté et honoré dans son pays. Mais nous devons penser à lui, peignant et écrivant sans un signe de l'extérieur. Ainsi, quand nous parlons de lui, nous souffrons de le savoir absent à sa propre fête avec, comme il le dit si bien : "une étoile qui se défait au fond des yeux". Pierre Jaouën ., (Rough_Typewriter, 12 pts), (Rough_Typewriter, 14 pts), (Rough_Typewriter, 12 pts), (Rough_Typewriter, 14 pts), (Rough_Typewriter, 12 pts)

Portrait d'Yves Elléouët en vidéo par les personnes qui l'ont cotoyé

Biographie

Son père, Jean Elléouët, comptable à l'hôtel Cayré à Paris, est originaire de La Roche-Maurice (Finistère) ; sa mère, Marcelle, couturière à domicile, vient de Haute-Marne. La famille s'installe à Garches en 1935.
Yves passe les années d'Occupation à La Roche-Maurice chez sa grand-mère paternelle, avec sa tante et son oncle Yves, qui lui inspirera le personnage d'Eliezer dans Falc'hun. Entre 8 et 12 ans, il se lie d'amitié avec le fossoyeur.
De retour à Garches en 1945, son père lui fait découvrir la littérature et l'entraîne dans les musées. Yves, enfant précoce, a déjà commencé à écrire et à peindre. En 1949, il quitte le lycée et entre à l'École technique des arts appliqués, à Paris. Diplômé des Arts appliqués en 1953, Yves retourne régulièrement en Bretagne. Pendant les vacances, il s'embarque à Lesconil (Finistère) sur un chalutier, continue à peindre et à écrire.
Appelé en 1954, au service militaire à Saint-Maixent, il sera réformé en 1955 pour raison de santé.
Attiré par le mouvement surréaliste, il fait la connaissance d'André Breton et de sa fille Aube. En dépit des liens affectifs et intellectuels qui l'attachent aux surréalistes, Yves se veut essentiellement solitaire et à l'écart de tout mouvement.
Yves et Aube Elléouët se marient en décembre 1956, à Paris, et s’installent au 117, rue de Vaugirard, dans l’ancien atelier du sculpteur David Hare. Yves apprend le métier d'héliograveur à l'école Estienne en 1957-1958, puis travaille comme retoucheur à l'imprimerie Lang à Paris.
Il se lie d'amitié avec le peintre Pierre Jaouën et l'écrivain Charles Estienne. Une chaleureuse complicité les amènera à se revoir chaque été en Bretagne. Ils écrivent à trois Portrait d'un château sous forme épistolaire, qui n'a jamais été publié.
Yves arrête son travail à l'imprimerie, pour se consacrer à la peinture et à la poésie. En écoutant Charlie Parker, John Coltrane, Miles Davis, Billie Holiday… il manie parallèlement pinceau et plume, « tiraillé » entre deux formes d'expression qu'il ne cherche pas à séparer. Il est attiré par Antoni Tàpies, Serge Poliakoff, Charles Lapicque, Nicolas de Staël.
Du 15 décembre 1959 au 29 février 1960, Yves participe à l'Exposition internationale du surréalisme, galerie Daniel Cordier, à Paris, qui a pour thème l'érotisme, où il expose une toile, Nymphette, et un objet, Farder la nuit. Il déménage avec Aube au 42, rue Fontaine, au-dessus de l’atelier d’André Breton. Yves est engagé comme dessinateur en mars 1960, au service publicité du journal Elle.
En septembre 1960, il signe le Manifeste des 121, déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d'Algérie. Dans un projet de repérage analogique des artistes surréalistes, établi pour le catalogue de l'Exposition internationale de New York (hiver 1960-1961), André Breton le place sous le signe de Merlin, en compagnie de Tanguy, Miró, Mimi Parent et Roland Giguère. En mai 1961, rencontre avec Charles Lapicque.
Yves et Aube passent souvent leurs vacances au Palud, à La Roche Jaune (Côtes-d'Armor), dans la maison prêtée par Calder. Été 1962, premier voyage à l'étranger. Découvre Pompéi. Séjourne avec Aube à Ischia en Italie en compagnie de Charles et Marie-Hélène Estienne ; rencontre Fahr el Nissa Zeid, peintre et princesse turque, dans sa maison d’Ischia. Yves et Aube quittent Paris en 1966, pour Saché en Touraine. Les Calder-Davidson leur trouvent une maison et les aident à s’installer.
Voyage à Montségur avec Aube, André Breton, Simone et Adrien Dax. Yves s'arrête de peindre en 1968, pour écrire son premier roman, Livre des Rois de Bretagne. 1969, il écrit le texte du court métrage de Dominique Ferrandou Requiescat in pace, présenté aux festivals du court métrage de Tours et de Montauban. Oona, sa fille, arrive de Corée en 1971.
Yves commence l’écriture de son deuxième livre, Falc'hun. En septembre 1974, interview de Pierre-Jakez Hélias dans son émission Lu et Approuvé, pour FR3 Bretagne - Pays de la Loire, introuvable dans les archives audiovisuelles ; invitation à l’émission « Ouvrez les guillemets » de Bernard Pivot, jamais diffusée pour cause de grève.
Ayant à peine terminé Falc’hun, Yves Elléouët meurt d’un cancer à 43 ans. Il est enterré à Saché.

Arborescence du bureau d'Yves Elleouet

Biographie d'Yves Elleouet

Découvrez le personnage et la vie d'Yves Elleouet dans un livre feuilletable, ainsi qu'une vidéo des personnes l'ayant cotoyé

A travers photos et vidéos, découvrez la vie et le personnage d'Yves Elleouet. Parcourez la galerie de peinture, ses poèmes, ses deux livres (Livre des Rois de Bretagne, de Falch'un), ses écrits ainsi que le DVD qui lui est consacré

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